Épisode 10 : Ombre d’Or
Emy se détourne de la fenêtre, le visage grave, et s’approche de Jonathan qui, assis sur une chaise branlante, fixe le sol d’un air abattu. « Ton père n’était peut-être pas directement impliqué, » commence-t-elle d’une voix calme mais résolue. Elle s’accroupit pour être à son niveau, captant son regard perdu. « Peut-être qu’il a découvert quelque chose de si dangereux qu’il a dû le cacher, même à toi. Et maintenant, ces gens veulent effacer toute trace de leur existence. »
Le silence qui suit est écrasant, pesant lourdement sur chaque personne présente. Marius, adossé contre le mur humide de l'ancienne école, ferme les yeux, sa respiration devenant de plus en plus laborieuse. Sa blessure à l'épaule le brûle, une douleur sourde qui irradie à chaque mouvement. Pourtant, il reste silencieux, essayant de ne pas attirer l'attention sur lui alors que le reste du groupe tente de comprendre la situation.
Soudain, le téléphone d’Emy vibre dans sa poche, brisant l’atmosphère oppressante qui s'est installée. Elle sursaute légèrement, attrape l’appareil avec une certaine précipitation, et lit le message qui vient d’arriver. En un instant, ses traits se durcissent, ses yeux se plissent sous l'effet de la colère et de l'inquiétude.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? » demande Naïla, en remarquant la réaction d’Emy. Sa voix est tendue, presque agressive, trahissant sa propre anxiété.
« C’est un message anonyme, » répond Emy, sa voix serrée. « Pour la énième fois, je reçois un texto qui dit qu’il y a un traître parmi nous. »
Les mots font l'effet d'une déflagration dans la pièce. Les regards se croisent, remplis de méfiance et de peur. Chacun se demande si ce message est un autre piège, une tentative pour les diviser, ou si, pire encore, il dit la vérité.
« On ne peut pas se laisser diviser, » déclare Antho avec une fermeté qui tranche dans le silence, son poing frappant la table pour accentuer ses paroles. « C’est ce qu’ils veulent. Ils savent qu’on est plus forts ensemble, alors ils essaient de nous briser de l’intérieur. »
Naïla, cependant, reste sceptique. « Et si c’était vrai ? » murmure-t-elle une pointe de défi dans la voix « Et si quelqu’un parmi nous travaillait pour eux depuis le début ? »
Jonathan, encore plus déstabilisé par cette idée, baisse les yeux, se sentant soudain vulnérable. L’idée que quelqu’un dans le groupe puisse les trahir le terrifie plus que les hommes qui les pourchassent. « On doit rester unis, » dit-il d’une voix tremblante. « Si on se met à douter les uns des autres, c’est fini pour nous. »
Marius, malgré la douleur qui lui arrache des grimaces, acquiesce faiblement. « Jonathan a raison, » murmure-t-il, sa voix à peine audible. « Ce qu’on a découvert jusqu’à maintenant, ces documents, ce carnet… tout ça montre qu’ils ont peur de ce que nous pourrions découvrir. On doit aller jusqu’au bout. »
Emy, reprenant ses esprits, compose rapidement un numéro sur son téléphone. « Je vais renvoyer un message à Jean. Il est la seule personne en qui j’ai confiance. S’il y a un traître, il pourra peut-être nous aider à l’identifier. »
Mais avant qu’elle n’ait pu terminer son appel, un bruit sourd se fait entendre à l’extérieur. Tous se figent, le cœur battant à tout rompre. Les pas résonnent dans le couloir, s’approchant lentement de leur refuge. Marius, malgré la douleur qui s’intensifie à chaque respiration, tente de se redresser, mais une grimace tord son visage alors qu’il serre les dents pour ne pas crier.
Les portes de l’ancienne école s’ouvrent brusquement, laissant entrer un homme vêtu d’un long manteau sombre. Emy plisse les yeux pour discerner le visage de l’homme partiellement masqué par l’ombre. Une voix familière résonne dans la pièce et elle pousse un soupir de soulagement.
« Vous n’êtes pas en sécurité ici. Ils savent où vous êtes. »
C’est Jean, le libraire de la Plume Dorée. Il referme rapidement la porte derrière lui, visiblement essoufflé, son visage marqué par la fatigue et l'urgence. « Heureusement que tu m’as envoyé votre localisation, Emy ! » lance-t-il entre deux respirations. «J’ai été suivi. Ils arrivent. Je les ai retardés autant que possible, mais ils ne tarderont pas à vous retrouver. »
« Comment nous ont-ils localisés ? » demande Antho, toujours aussi méfiant, son regard perçant cherchant la moindre faille dans les explications de Jean.
Jean jette un regard nerveux autour de lui, comme pour s'assurer qu'ils sont bien seuls. « Ils ont des moyens que je ne comprends pas encore. Mais ce n’est pas la question. Vous devez partir maintenant. »
« Et aller où ? » s’écrie Naïla, la panique perçant dans sa voix. « Ils nous traqueront où que nous allions ! »
Jean s’approche alors de Marius, qui lutte pour rester conscient, et lui tend un papier froissé. « Je possède une vieille cave dans un immeuble des quais de la Daurade. Mon grand-père l’utilisait pendant la guerre. C’est le seul endroit où vous pourrez être à l’abri pour un temps. »
Antho fronce les sourcils. Son regard passe de Emy à Jean, un doute persistant dans ses yeux.
« Tu avais déjà contacté Jean Carrère pendant notre cavale Emy ? C’est étrange ça ! Comment pouvons-nous lui faire confiance ? Si ça se trouve on file tout droit vers un autre piège ! Tu parlais de traître parmi nous ? Qui me dit que ce n’est pas toi ? »
Emy fait un pas en avant, le regard fulminant, visiblement exaspérée par l'attitude d'Antho. « Franchement, ça suffit ! » s’exclame-t-elle, sa voix cinglante trahissant son irritation. « Tu vas vraiment continuer à douter de nous alors qu'on est là, en première ligne avec toi ? Réveille-toi ! On n’a pas le temps pour tes paranoïas ! »
Elle pointe un doigt accusateur vers Jean, qui reste silencieux mais soutient son regard. « Et lui, tu penses qu’il serait ici, à se mettre en danger, s’il n’était pas de notre côté ? C’est n’importe quoi, Antho ! On doit être unis, et vite, si on veut avoir une chance de s’en sortir ! »
Sa tirade laisse un silence tendu, ses mots résonnant avec une fermeté implacable.
Jonathan, toujours en proie à l’angoisse, serre le carnet contre lui comme un bouclier. « Très bien, allons-y, » finit-il par dire, sa voix pleine de nervosité. « Mais si c’est un piège… »
« Ce ne sera pas un piège, » assure Jean avec fermeté, son regard ne flanchant pas. « Maintenant, allez, suivez-moi. »
Le groupe, toujours sur ses gardes, se lève et se prépare à quitter leur refuge temporaire. Le sentiment d’urgence les pousse à agir rapidement, bien que les doutes ne les aient pas totalement abandonnés. Alors qu'ils sortent de l'école, Marius vacille légèrement, une vague de douleur traversant son corps. Jonathan, remarquant sa faiblesse, passe un bras sous le sien pour le soutenir. « Je suis là, » murmure-t-il à son ami, essayant de dissimuler l’inquiétude qui l’envahit.
Marius tente de sourire, mais c’est une grimace de douleur qui déforme ses traits. « Merci, » souffle-t-il, ses mots à peine audibles. Mais il s'accroche à Jonathan, utilisant le peu de force qui lui reste pour avancer.
Ils grimpent tous dans la camionnette de Jean, le silence entre eux si tendu qu'on pourrait presque le couper au couteau. La ville, qui s’éveille doucement sous les premières lueurs de l’aube, leur offre un répit inattendu. Les rues sont désertes, à l’exception de quelques passants matinaux, ignorants du drame qui se joue dans l’ombre.
La route semble interminable pour Marius, chaque cahot de la route envoie une nouvelle vague de douleur dans son épaule. Il serre les dents, s’efforçant de ne pas se laisser aller, mais la sueur qui perle sur son front trahit la lutte intérieure qu’il mène contre la souffrance. Jonathan, à ses côtés, ne dit rien, mais son soutien est constant, sa main fermement posée sur son épaule valide
Enfin, ils arrivent sur les quais de la Garonne. Jean se gare en hâte sur une place interdite « On est presque arrivés, » murmure-t-il, jetant un coup d’œil autour de lui pour s’assurer qu’ils ne sont pas suivis.
Il descend rapidement et leur montre l'entrée d’unne vieille cave humide et sombre, dissimulée dans la cour d'un vieil immeuble. « C’était une ancienne cave à vin, » explique-t-il à voix basse. « Vous serez en sécurité ici pour l’instant. »
Marius descend de la camionnette avec difficulté, ses jambes tremblantes sous l’effet de la douleur et de l’épuisement. Jonathan reste à ses côtés, prêt à le soutenir si nécessaire. Ensemble, ils pénètrent dans la cachette, l'obscurité les enveloppant immédiatement.
À l’intérieur, l’air est frais, humide, mais il y a une étrange sensation de sécurité qui apaise légèrement leurs nerfs. « Ne vous reposez pas trop longtemps, » avertit Jean en refermant l’entrée derrière eux. « Ils reviendront, et ils ne s’arrêteront pas tant qu’ils n’auront pas ce qu’ils cherchent. Antho, détendant ses sourcils froncés, regarde Emy avec un air repentant. « Je suis désolé de m'être emporté tout à l'heure, Emy. Tu me jures qu’on peut lui faire confiance ? »
Emy soutient son regard, l’assurance dans ses yeux. « J’en mets ma main à couper, oui. Jean est un ami, et je sais qu’il ferait tout pour nous aider. »
Antho n’est pas totalement convaincu, son instinct de méfiance réveillé par les récents événements. « Étrange qu’un vieux libraire joue les James Bond pour nous sauver plutôt qu’appeler les flics... C’est ce que j’aurais fait à sa place... » dit-il en haussant les épaules.
Tout le monde se tourne vers Emy, leurs regards semblent suspicieux. Elle tient bon, une expression inébranlable sur son joli visage. « Écoutez-moi bien ! » lance-t-elle avec une intensité qui coupe le souffle. « Vous devez me faire confiance, que ça vous plaise ou non, vous n'avez plus d'autre choix ! » Sa voix monte en puissance. « Alors, ceux qui veulent partir, allez-y, maintenant ! Mais ceux qui restent, je ne tolérerai plus aucun doute à mon égard, c'est clair ?! »
La réplique d'Emy claque comme un coup de feu, électrisant l'atmosphère. Ses mots tranchent le silence, faisant jaillir des éclats de gravité dans le regard de chacun.
À suivre...
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